Au 18ème siècle

L'élan pris va encore s'accentuer au cours du 18ème siècle et les "Deum" continuent donc d'irradier toute la région. En 1750, des membres de notre famille avaient déjà été recensés parmi les habitants des localités suivantes :

Localités
Pays
Date
 
Localités
Pays
Date
Awans
Belgique
1729
 
Mellier
Belgique
1746
Cousteumont
Belgique
1747
 
Menugoutte
Belgique
1667
Ébly
Belgique
1587
 
Naleumont
Belgique
1705
Fays-les-Veneurs
Belgique
1637
 
Namoussart
Belgique
1629
Fineuse
Belgique
1712
 
Narcimont
Belgique
1736
Fontainebleau
France-77
1721
 
Nivelet
Belgique
1649
Gennevaux
Belgique
1548
 
Offaing
Belgique
1686
Habaru
Belgique
1673
 
Rancimont
Belgique
1583
Hollerich
Lux
1726
 
Rulles
Belgique
1746
Hotte
Belgique
1600
 
Sedan
France-08
1714
Huy
Belgique
1643
 
Sûre
Belgique
1590
Izel
Belgique
1694
 
Thibessart
Belgique
1652
Lavaux
Belgique
1706
 
Thonnelle
France-55
1679
Léglise
Belgique
1590
 
Tintigny
Belgique
1749
Liège
Belgique
1627
 
Ventzviller (Guéblange)
France-57
1685
Longlier
Belgique
1747
 
Vesqueville
Belgique
1714
Louftémont
Belgique
1687
 
Villers-sur-Semois
Belgique
1689
Massul
Belgique
1686
  Wittimont
Belgique
1685
Matton
France-08
1728
 
ser
xxx
xx

Les noms écrits en italique signalent la présence d'une fille "Deum".

Quel essor ! Précisons toutefois que dans certaines localités un événement seulement concerne notre famille comme à Huy, Fontainebleau ou Villers-sur-Semois par exemple, où avait eu lieu le baptême de Marie Deum :

"le 9 mars 1689 a esté baptizée Marie fille a sinistro [99] nata à Jeanne Deum de Genvaulx paroisse de Léglise, Henry Gercey de Marbehant est par elle accusé d'en estre le père et le dit enfens a esté aporté à la maison dudit Henry et son frère a pris le soing de le faire baptizer ..."

Ce genre "d'accident" arrivait, bien sûr, aussi en ces temps-là et même plus souvent qu'on ne le croit généralement. Cependant, et dans la grande majorité des cas, le mariage avait été célébré bien avant la naissance. Nos pères, à ce petit jeu-là, se défendaient plutôt bien. Songez qu'en moyenne, sur cent mariages recensés, la charrue a été mise seize fois avant les bœufs ! Ces "arrhes" consommés avant la célébration du mariage expliquent en partie, l'essor pris par notre famille... En "testant" la future, nos aïeux ne prenaient en fait, qu'une garantie sur l'avenir !
C'est un enfant "bâtard" qui était baptisé lorsque le mariage n'a pas encore été célébré. Ainsi, le curé de Léglise baptise Jeanne, "fille bâtarde de Nicolas Robert et de Catherine Deum", le 13 février 1676.
Revenons à Jeanne Deum de Gennevaux, séduite par Henry Gercey. Ce dernier n'a pas voulu ou n'a pas pu l'épouser. Alors, pendant que Jeanne devient maman, et profitant de ses souffrances, on lui fait avouer l'identité du procréateur ! Une véritable torture...

Parfois la fautive va elle-même trouver la justice pour avouer " ...qu'elle se trouverait présentement enceinte et comme elle souhaiterait de s'expurger sur l'autheur de son fruit lors de son accouchement..." demande à la cour de nommer des commissaires qui se "transporteront près d'elle au moment voulu pour recevoir son serment que dessus in doloribus partus ..." [100]

En Lorraine, on utilisait à peu près les mêmes arguments :
"la mère a pretté sermant à l'extrémité de son accouchement devant la sage femme et d'autre temoingt que ... ", ou encore :

" ... la mère a assuré dans les douleurs de l'enfentement être enceinte des œuvres de ..."

Parfois on se marie avec un peu de retard, peut-être après quelque hésitation. C'est ainsi que :

"Jacques Hiande d'Orchinfang épouza Marguerite Déom de Habaru pour légitimer l'enfant procrée de leurs oeuvres qui fut baptizé le 14ème May 1723 et le dit mariage fut solennizé en présence du Marguilier, de Jean Arnould et de Rémy Noblehomme le 30ème May 1723." [101]
C'est le mari et le... père de l'enfant qui se charge traditionnellement des formalités du baptême.

Jeanne a accusé Henry Gercey. Dans toute cette région, la coutume veut que le père aille reconnaître officiellement sa faute, en amenant son enfant à l'église. Quelle leçon ! Mais en ces temps-là, on savait déjà contourner les lois : Henry Gercey absent, c'est son frère, innocent lui, qui se charge d'aller faire effacer le péché originel !

Cependant, d'autres membres de notre famille quittent aussi la paroisse de Léglise.

  • C'est grâce à un acte trouvé dans les "œuvres de loi" [102] que nous découvrons l'existence de Marie-Louise Deum pourtant née à Gennevaux à la fin du 17ème siècle et dont l'acte de baptême est introuvable dans les registres. Marie-Louise et son époux, Vincent Hénomont qui habitent à Awans près de Liège, vendent à "Henry Déome de Genvaux et Anne-Marie Nicolas sa femme, tous les droits et actions reçus de leur père et mère résultant en maisons, jardins, arbres fruitiers, prés, champs, terres, bois gros et menu"...
  • En 1746, Jean Déom de Nivelet a entrepris la... "déomisation" de la Gaume, région s'étendant de Virton à Rulles et de Izel à Vance, en s'installant à Rulles. Gilles Déom, un de ses lointains cousins également de Nivelet, épouse Anne-Marie Yker en 1749 et devient laboureur [103] à Tintigny. Cette souche s'éteindra tragiquement de la région pendant la Première Guerre mondiale.

Notre famille continue cependant de s'étendre. Dans certaines localités elle ne fait que passer comme à Bourseigne, St-Hubert, Izel ou Witry pour aller s'installer dans une autre paroisse. Parfois on disparaît dans la nature sans laisser la moindre trace comme les frères Jean et Jean-Baptiste de Gennevaux qui demeurent encore à Liège [104] en 1780. En d'autres occasions, le nom s'éteint comme à Traimont car la famille se compose seulement de filles et d'un garçon resté célibataire... Par contre, notre famille fait souche :

  1. À Louftémont où les Déom vont se multiplier ! Jean Deum de Nivelet devenu Jean "Déhome" y rejoint ses cousines, Jeanne et Juliette respectivement mariées à Jean Chart et à Henry Galhau. Jean épouse Élisabeth Wauthier en 1709 et les naissances vont alors se succéder. Signalons que ces Déhome vont devenir des Déom à la fin du 18ème siècle après avoir repris le patronyme Deum durant une génération.
  2. À Vesqueville, où Salomon Deum entre dans une famille très connue dans la région en épousant Jeanne Laroche de Vesqueville, veuve de Christophe Gobert [105] . Le mariage Deum - Laroche est introuvable pour la simple raison que les registres de mariages de Vesqueville ne commencent qu'en 1732 ! Cette union a certainement été célébrée en 1712 ou 1713 puisque les registres de baptême de la paroisse, disponibles depuis 1674, révèlent la naissance de Marie Déom baptisée le 5 janvier 1714. Salomon Deum vient très certainement de la paroisse de Léglise dont les habitants sont les seuls de la région à prénommer leurs garçons ainsi en hommage à "Salmon d'Obange" [106] , écuyer, enseigne, capitaine de la Compagnie d'Ordonnance décédé le 5 mars 1601. Quatre Salomon Deum sont justement baptisés à Léglise entre 1660 et 1680 ! Lequel est donc celui qui a épousé Jeanne Laroche ? L'acte de décès de Salomon, relevé dans les registres de Vesqueville le 25 décembre 1737, ne nous apprend rien de plus. Alors ?
    Plusieurs indices désignent cependant Salomon Deum baptisé à Léglise le 20 décembre 1680. Le parrain de Marie-Françoise, une autre fille de Salomon et de Jeanne Laroche baptisée en 1722, est Vernel Deum. Ce prénom est extrêmement rare dans la région et il se trouve justement qu'un des frères de Salomon est prénommé Vernel !
    Mais la découverte dans les "œuvres de loi" d'un acte par lequel "Salomon Deome, natif du village de Genvaux résidant à celuy de Vesqueville" vend des biens situés à Gennevaux, confirme le choix précédent surtout qu'il est encore question de Henry Deome, frère du vendeur [107] .
    Jean-Joseph Déom, un des descendants de cette famille va faire souche à Ampsin [108] en 1794 !
  3. À Ferrières [109] , province de Liège, où Nicolas Deum de la "Rouge Minière" épouse Barbe Schellin le 8 janvier 1752. La "Rouge Minière" est un hameau de Ferrières qui appartient à la Principauté de Stavelot jusqu'à la Révolution française.
    Les origines de Nicolas Deum, longtemps inconnues, sont révélées par un acte daté du 10 juillet 1775 [110] . Né à Gennevaux le 27 avril 1724, il était le fils de Nicolas et Catherine de Fineuse.
    Cette famille qui va garder l'orthographe originelle de notre nom, va se déplacer et s'étendre vers Heyd, Chevron, Bomal, Stavelot, Verviers, Liège.
  4. À Virton où Jean-François Déom, originaire de Cousteumont, épouse Gérardine Gillet en 1786 et à Suxy où Louis Déom, un maçon venu de Nivelet, unit sa destinée à celle d'Élisabeth Moraux en 1783.
    Nous reparlerons de ces familles plus tard.

Si toutes ces localités se trouvent en Belgique, il faut rappeler qu'une branche de notre famille a déjà émigré sous d'autres cieux. Partis de Menugoutte, Noël Deum et Marguerite Plainchamp se sont en effet installés, dès 1685 à Ventzviller, en Lorraine. François, leur seul fils connu, marié avec Catherine Sagebien, assurera la descendance de cette branche restée française.

D'autres familles "Deum" se sont également expatriées.

  1. Jean Déom et Catherine Camus, de Gennevaux, baptisent leur fille Anne-Marie à Léglise le 1er mars 1723. On les retrouve ensuite à Hollerich dans la banlieue de Luxembourg pour le baptême de Barbara... Déon, le 15 janvier 1726, avant de se volatiliser une nouvelle fois !
    Le microfilm contenant les actes de Hollerich est très incomplet et souvent difficilement lisible. Un garçon prénommé Antoine, né à Hollerich vers 1735, se marie en tout cas en l'église Ste Gudule de Bruxelles le 18 février 1783 avec Marie-Thérèse Coeckelbergh. Deux enfants naissent et... tout le monde disparaît une fois de plus ! Notons qu'il aura fallu attendre la fin du 18ème siècle pour voir notre nom apparaître dans les registres de la future capitale belge.
  2. Vers 1763 [111] , Nicolas Deum de Gennevaux, son épouse Jeanne Gratia et leurs enfants s'établissent à Pont-aux-Verriers près de St-Phal dans l'Aube où Nicolas est voiturier. En Ardenne, Jeanne avait mis quatre garçons et deux filles au monde mais nous n'en avons retrouvé que deux en France : Jean et Nicolas. Jean se marie à St-Phal mais ne semble pas avoir laissé de descendance. Nicolas épouse Marie-Madeleine Colin à Maizières-la-Grande-Paroisse en 1785 et y devient laboureur après un court séjour à Bar-sur-Seine. La plupart de ses descendants exercent la profession de fabricant de bas.
    Si notre nom s'est éteint dans cette région le 5 mai 1999 avec le décès, à l'âge de 97 ans, de Charlotte Déom, nous y gardons de nombreux cousins et cousines puisque sept filles nées Déom y ont laissé une importante descendance.
  3. Quelques années plus tard, vers 1784, Jean-Noël Deum de Neufchâteau quitte également son Ardenne natale pour aller s'établir à Igny-le-Jard dans la Marne où il exerce, lui aussi, la profession de voiturier. Son épouse, Marie-Thérèse François, lui a donné quatre enfants, trois garçons et une fille. Les parents meurent l'un en 1788, l'autre en 1789 à Igny-le-Jard. Si on perd toute trace de trois de leurs enfants, on retrouve par contre, Jean-Joseph à Crèvecoeur, en Seine-et-Marne, où il épouse Marie-Thérèse Émery le 21 septembre 1798. Leur descendance, des Deum, vit actuellement en région parisienne, en Provence, dans la région lyonnaise et dans l'Yonne.
  4. Le 18ème siècle voit aussi l'entrée de notre famille en Allemagne ! Joseph Deom [112] , né à Bois-d'Haine [113] le 27 mars 1768, épouse en effet Catherine Zillien le 26 avril 1798 à Dudeldorf [114] .
    Comment Joseph, Alexis Joseph Dehome sur l'acte de baptême, est-il arrivé en Allemagne ? Son père, Rémi Déom, était militaire et on peut penser que ce sont les agitations provoquées par les armées de la Révolution qui ont amené Joseph chez nos voisins. Mais il faut aussi souligner que Dudeldorf est depuis 1795, le chef-lieu d'un des cantons du département des Forêts.
    La descendance de Joseph et de Catherine se trouve aujourd'hui principalement dans un périmètre comprenant Bonn et Cologne. Certaines personnes demeurant notamment à Cologne sont d'ailleurs probablement issues d'une toute autre famille. Helga Déom de "Köln", dans la seule correspondance qu'elle daigna nous adresser, insista beaucoup sur cet... "Axontegüy" que devait prendre son nom [115] . Selon cette correspondante éphémère, quatre familles allemandes seulement auraient ce privilège ! Cette remarque révèle clairement où se situent les origines de leurs ancêtres…
    Il est certain que ces familles n'ont pas pris un essor considérable car les annuaires téléphoniques d'outre Rhin ne regorgent pas d'abonnés portant notre nom.
    En fait, il est plutôt difficile de retrouver la filiation de nos cousins... germains qui ne sont pas coopératifs du tout. Les nombreux contacts que nous avons tenté d'établir se sont révélés comme autant d'échecs. Seul Alfred Deom de Speicher nous a tendu la main en nous indiquant la date et le lieu de naissance de son père. Comme ces précisions avaient plus de cent ans, nous avions la possibilité de continuer les recherches qui ont fini par nous amener à Bois-d'Haine.
    Le greffon de cette branche allemande a donc bien été prélevé sur notre arbre ! ... Pour en finir avec cet accent aigu qui doit orner notre nom [116] , figurez-vous que Johann-Baptist, le père d'Alfred de Speicher, obligeait encore son fils à mettre ce signe caractéristique. Lorsque Alfred, qui ne respecte plus du tout la volonté de son défunt père, raconte un jour cette anecdote à son propre fils, Manfred, celui-ci se rend à l'administration communale de Speicher afin de régler le problème. Or en allemand, Deom se dit bien "Dé-homme" ! Alors pourquoi mettrait-on un "Axontegüy" ?
  5. Englebert Déome, fils de Jacques et de Anne-Marie Gobert de Gennevaux encore, choisit une autre terre d'accueil : le Grand-Duché de Luxembourg. Englebert épouse Barbara Georgen à Redange le 21 juillet 1788. L'acte de mariage, écrit en Latin, précise que le marié est le fils de Jacques Deum et Anne-Marie "Geber de Schoenwo". Voyez comme les noms étaient susceptibles d'évoluer ! Mais il n'y a pas de doute, phonétiquement Gennevaux donne bien Schoenwo en luxembourgeois !
    Le couple aura cinq enfants nés entre 1789 et 1796 : trois filles et deux garçons. Qu'est devenue cette famille ? Jean Nicolas décède dès sa naissance alors que les filles, Anne Marguerite, Marie-Jeanne et Thérèse se marieront à Redange. Quant à François, fusilier au 28ème R.I., il meurt pour la France en 1813, à l'hôpital militaire de Briviesca en Espagne. Ainsi, les registres de la commune de Redange n'enregistreront plus la naissance d'un enfant "Deum". Vingt-cinq ans après son arrivée, notre nom a déjà disparu !

Mais alors comment a-t-il été possible de retrouver les traces de cette famille ?

Un ouvrage luxembourgeois, "Publications de la Section Historique de l'Institut G.-D. de Luxembourg" de 1910 recense dans la partie "Les Luxembourgeois soldats de la France" [117] , les militaires luxembourgeois tombés durant l'épopée napoléonienne. C'est donc grâce à l'existence et à la découverte de ce document qu'il a été possible de retracer le destin d'Englebert Déome dont le baptême avait été relevé dans les registres de Léglise.

Avec cet exemple, on comprend combien il est facile de ne plus jamais retrouver la moindre trace d'un enfant dont les registres nous ont pourtant appris la naissance. Si certains garçons sont restés célibataires, d'autres ont pu se marier dans des localités qui nous sont inconnues et ont pu y laisser une descendance qui n'a cependant pas su transmettre le nom jusqu'à nos jours. Dans ce cas, la chance ou le... courage de s'attaquer à la lecture d'innombrables archives mises à notre disposition peuvent nous permettre de retrouver certaines familles disparues.

  • La chance, comme ce contact établi par hasard avec Karl Stegh, un Autrichien de Gunskirchen, descendant de Nicolas Gérard né le 29 novembre 1729 en Lorraine, décédé à Jarmina, en Croatie, le 10 avril 1779. Nicolas était le fils de Marie-Anne Deum née le 30 octobre 1701 au Val-de-Guéblange où elle avait épousé Georges Gérard une vingtaine d'années plus tard.

  • Le courage, comme la découverte dans les "œuvres de loi" de Mellier n° 1570 et n° 1571 [118] de deux actes par lesquels nous apprenons qu'Élisabeth Déome de Gennevaux, en fait Marie-Élisabeth Deum selon son acte de baptême du 4 août 1741, vit à Luxembourg avec son époux, Henry Champagne.

Quoi qu'il en soit, notre famille a véritablement pris son envol au cours de ce 18ème siècle. Elle s'est également beaucoup déplacée. Vous trouverez dans la seconde partie de cet ouvrage un tableau donnant des précisions à ce sujet.

Voici le nombre de naissances recensées au 18ème siècle.

 

x
Allemagne
Belgique
France
Luxembourg
Total
Filles
0
153
26
4
183
Garçons
1
178
22
3
204
Total
1
331
48
7
387

 




Le 19ème siècle et les migrations vers la France

Nous voici donc arrivés à l'aube du 19ème siècle. De profondes transformations économiques, politiques et sociales modifient la vie des Français et l'Europe tout entière va être bouleversée. Parmi les nombreux changements, l'adoption du système décimal le 1er août 1793, commence par provoquer une grande confusion. Voici le mètre, unité de longueur qui est la dix millionième partie du quart du méridien terrestre, avec ses multiples et sous multiples. Voilà maintenant que les surfaces doivent être mesurées en ares ! Jusque là, on avait le journal ou jour, qui était la surface labourable en une journée par un laboureur. Cela au moins, on savait ce que cela signifiait...
Mais on avait bien du mal à se comprendre car ces mesures changeaient quand on passait d'un village à un autre. Un journal estimé à environ 23 ares au Val-de-Guéblange, passait à environ 20 ares à Niederstinzel alors qu'il dépassait les 35 ares à Léglise. Et il en était ainsi pour toutes les autres unités de mesure. Durant quelques années les notaires français exprimaient souvent la surface des terrains en utilisant et les anciennes unités et les nouvelles. Ainsi, le 2 ventôse de l'an XIII [119] de la République "Nicolas Déom, manœuvre demeurant à Niderstinzelle, achète pour cinq francs numéraire environ 13 ares ou environ 5/8 de jour ancienne mesure, de terre labourable". On peut imaginer le remue-ménage ainsi créé quand on songe aux difficultés que nous rencontrons aujourd'hui encore avec les "francs nouveaux" mis en place en... 1960 par le Général de Gaulle ! Et pourtant la conversion est simple. Au début du 19ème siècle, il s'agit d'une toute autre affaire et le citoyen Jean-Baptiste Évrard de Virton est d'ailleurs tellement révolté qu'il envoie une lettre à M. le Préfet [120] pour expliquer qu'il rejette le "nouveau sistème de mesure. L'ancien prévaudra toujours et il faudrait un miracle dans la nature pour faire opérer un tel changement, opération aussi difficile que celle de vouloir contraindre un Français âgé de soixante ans de changer sa langue française en celle du Grec ou du Latin". Même les notaires y perdent d'ailleurs leur latin. On mélange souvent les unités de surface et les unités de longueur comme à Albestroff, le 30 vendémiaire de l'an XIV [121] , quand le notaire Charles Barthélemy estime la surface d'un terrain à 23 ares, 4 centiares, 65 mètres et 950 millimètres [122] ! Il est fort à parier que nos aïeux ont continué pendant longtemps encore à parler de jours, de verges, de toises, de fauchées, de deniers, de pintes ou de lieues... Et pourtant, en raison de sa simplicité, le système décimal va se propager rapidement en Europe. Le temps où Jean Déom de Narcimont échangeait "un pré sis à Genvaux contre un pré sis au finage de Narcimont d'environ un quart de terre contenant deux quarts d'un tiers de quart" [123] est définitivement révolu... Quel dommage pour les forts en "maths" !

Si l'utilisation du nouveau système se fait rapidement par le tabellion français, il faut par contre attendre un demi-siècle pour que les notaires belges s'expriment en ares et en hectares.
Maintenant l'Europe tout entière ou presque, a adopté la réforme française. Seules les monnaies gardent leurs cours et là, il faudra attendre l'aube du 3ème millénaire pour que le problème soit enfin résolu !

En attendant, les migrations s'accentuent. Nos ancêtres suivent le mouvement général en allant s'installer de plus en plus loin de leurs bases. La France toute proche reste, bien entendu, la terre d'accueil de prédilection pour nos "Deum" ardennais. C'est ainsi que, partis de Nivelet vers 1825, les frères Jean-François et Jean-Henry choisissent de s'installer en Brie, déjà réputée pour la richesse de son sol. Contrairement à tout pronostic, nos deux paysans deviennent respectivement meunier à Marolles-en-Brie et voiturier à Saints. À leurs mariages, il est précisé que leur père, Jean-Baptiste, est "laboureur à Assenois au royaume des Pays-Bas." [124]
La région va cependant réussir à ces nouveaux Français puisque leur postérité se perpétue depuis, non seulement en Seine-et-Marne, mais également en Seine-Maritime, dans l'Eure et surtout en Région parisienne.

Jean-Michel Déom de Gennevaux et sa sœur Marie-Julienne, épouse Lafontaine, finiront aussi leurs jours en France, à Chalais et à Lignac, deux toutes petites mais très proches localités du département de l'Indre [125] . Jean-Michel et son épouse, Marie-Anne Dubois d'Izel, avaient fait un crochet par Nuremberg, en Bavière, où est née leur fille Jeanne. Comme cette dernière était fille unique, notre nom disparut rapidement de la région.

Les progrès continuels des sciences et des techniques vont permettre le développement industriel entraînant à la fois une mécanisation progressive de l'agriculture et de l'industrie. Cela va transformer les paysans, devenus inutiles à la ferme, en ouvriers d'usine. Voilà la principale origine de l'exode rural et de l'apport de main d'œuvre dans les usines situées d'abord dans les grandes villes puis dans leur périphérie.
Songez qu'en 1700 la population est rurale à 85%. L'agriculture est alors omniprésente. Tous nos ancêtres, qu'ils soient artisans, marchands, manouvriers, chirurgiens ou tabellions [126] tirent une grosse part de leurs ressources du travail de la terre. Même les bourgeois de la ville possèdent un lopin de terre qu'ils louent et des têtes de bétail qu'ils mettent en pension chez un paysan [127] . Commencé au début du 19ème siècle, l'exode rural va s'accentuer à partir de 1850. En 1846, les ¾ des Français habitent encore la campagne. En 1930, l'équilibre est atteint. Aujourd'hui, 75% de la population française vit dans des agglomérations urbaines composées de plus de 2 000 habitants et s'il y a de moins en moins de cultivateurs ceux-ci produisent de plus en plus... Notre famille, composée essentiellement de paysans jusqu'au début du 20ème siècle, ne compte plus actuellement qu'une dizaine de familles vivant des ressources de la terre !

Cette attirance vers les villes va être grandement facilitée par l'étonnant essor des moyens de communication et de transport. On sait que les inventions du chemin de fer et du bateau à vapeur datent de la première moitié du 19ème siècle, mais d'énormes progrès sont effectués dans la seconde moitié. En 1840, il y avait 8 000 km de voies ferrées dans le monde, en 1850 on était passé à 32 000 km et les 800 000 kilomètres étaient atteints en 1900 ! En 1870, une ligne reliait déjà les Ardennes à Paris via Reims. Maintenant on peut être servante à Reims et rentrer de temps en temps à Virton ou à Behême revoir sa famille. Paris reste, cependant, le pôle d'attraction privilégié. De 550 000 habitants en 1800, la capitale française passe à 2 700 000 en 1900. Entre-temps, en 1859, Paris a annexé sa banlieue qui atteignait environ 100 000 âmes en 1800. La ville est asphyxiée par le déferlement d'un véritable raz de marée.
Ces nouveaux parisiens campent à cinq ou six, parfois davantage, dans une seule chambre. L'alcoolisme, la prostitution, les naissances illégitimes, les épidémies, l'infanticide et le banditisme font leur apparition.

Parmi ces immigrés, venus de toutes les régions françaises, on est tout de même surpris de trouver un nombre impressionnant de Belges, et parmi eux une bonne cinquantaine de nos cousins venus d'Anlier, Behême, Buzenol, Cousteumont, Marbehan, Hollange, Léglise, Neufchâteau, Séviscourt, Ste-Marie (Étalle), Wardin et Wittimont.

On vient très rarement seul, mais plutôt accompagné d'un frère, d'une sœur ou d'une cousine. De Buzenol, de Vance et de Nivelet, débarquent les parents avec leurs quatre ou cinq enfants. Quelquefois, on se marie en Belgique, et on prend aussitôt la direction de Paris ou de sa région. Mais on revient souvent en visite dans la famille et on en profite parfois pour acheter quelques terres, voire une maison [128] . Ces migrations vers la France prévoyaient donc souvent un retour au pays après avoir gagné un peu d'argent.

Seize mariages Déom sont célébrés dans la capitale française entre 1860 et 1880.
Le conjoint est très souvent un compatriote originaire de Latour, Wardin, Marbehan, Frasne-lez-Couvin, Post ou Anlier. Ces nouveaux arrivants seront souvent journaliers ou domestiques, mais on relève aussi : un mécanicien, un forgeron, trois chaudronniers, un cordier [129] , un cisailleur, deux magasiniers, un garçon livreur, un emballeur, un briquetier, un charbonnier, un bourrelier et un jardinier.
Les dix-neuf jeunes filles Déom arrivées à Paris sont également journalières ou domestiques. On note aussi : deux couturières, trois fileuses, une lingère, une passementière et une "ouvrière en perles".
Huit d'entre elles seront filles mères, donnant la vie à... seize bébés ! Plusieurs se marieront avec des garçons qui reconnaîtront ces enfants. Les maris de ces cousines sont cocher, emballeur, ébéniste, "doreur sur papier"...
Si la plupart s'installent à Paris, d'autres émigrent dans la proche banlieue. Des "Deum" habitent à Romainville, Montreuil, Draveil ou Choisy-le-Roi en cette seconde moitié du 19ème siècle. D'autres se contentent tout juste "d'enjamber" la frontière franco-belge. C'est ainsi que nous retrouvons Jean-Nicolas Deum charretier à Chauvency-le-Château dans le département de la Meuse. Bien que marié, Jean-Nicolas qui était natif du village tout proche de Torgny, ne semble pas avoir laissé de descendance. Le célibataire Joseph Déom de Nivelet est domestique chez un coiffeur de Wé près de Carignan où est décédée en 1855, Marie-Jeanne Deome de Lavaux, épouse de Jean-Pierre Copy.

En 1865, Henri-Joseph, Nicolas et leur sœur Marie-Adèle quittent Nivelet et leurs parents et viennent se fixer à Vendresse dans les Ardennes françaises toutes proches où les garçons deviennent tisseurs. Les enfants de cette première génération seront cultivateurs et on retrouve la 3ème génération, fondeurs à Neufmanil. Des descendants de cette lignée demeurent toujours dans la région ainsi qu'en Provence. Le destin de Marie-Adèle est bien différent... Devenue l'épouse de Jean-Baptiste Massart, Marie-Adèle est maman de deux garçons : Georges né le 1er septembre 1884 à La-Francheville et Alfred né le 4 février1888 à Mohon et portant évidemment tous les deux le nom de Massart. Entre temps, le 27 août 1885, Marie-Adèle est devenue veuve. Faites le calcul et vous comprendrez mieux les problèmes qui attendent Alfred Massart.
En fait, Alfred travaille à Paris et tout va pour le mieux jusqu'au moment où il veut se marier. La mairie du 19ème Arrondissement constate en effet qu'il est impossible que Jean-Baptiste Massart soit le père d'Alfred et refuse donc de procéder au mariage ! Il faudra plusieurs années pour régulariser la situation. Entre temps, en 1909, Alfred est papa d'un petit Alfred et plus tard, un jugement du tribunal de Charleville fait, contre son gré, d'Alfred Massart un Alfred Déom ! Du coup, le mariage est autorisé et Alfred Massart junior devient Alfred Déom junior !
Marie-Adèle n'a jamais connu cette malheureuse affaire car elle est décédée le 10 juin 1906 à Charleville.

Mais les migrations vers la France continuent durant ce temps et les filles ne sont pas en reste. Henriette née à Vesqueville le 20 décembre 1804, décède à Pouru-St-Rémy (08) le 11 avril 1887. Elle était alors veuve de François Willème. Marie-Marguerite de Cousteumont [130] a épousé un ferronnier de Vrigne-aux-Bois (08). Marie-Magdeleine de Suxy vit à Reims (51) où elle a épousé Clotilde Joseph Bouilloux, Marie de Termes habite à Pure (08) avec son époux Charles Brasseur, Anne-Marie de Torgny, épouse Dequick, reste à Verdun (55), Marie-Catherine de Rossignol, épouse Josselin, est à Thonnelle (08) [131] alors que Marguerite de Nivelet demeure à Laneuville-sur-Meuse, près de Stenay, avec son mari Guillaume Banchorelle [132] . Marie-Léonie et sa sœur Marie-Adelaïde de Mellier sont mariées à Avioth (55) respectivement avec Charles Protin et Eugène Dinon, Joséphine Adèle de Nivelet et son époux, Jean-Jacques Sanem, sont à Choisy-le-Roi (94) en 1863. Veuve, Joséphine Adèle se remarie en 1874 à Draveil (91) avec Jean Rougelot alors que Marie-Thérèse de Nivelet demeure à Margency (95) avec son mari, François Jamar, et son frère Nicolas Constant [133] .
À la fin du siècle, Paris accueille encore Hubert-Joseph Déom, un jeune cultivateur de Juseret descendant des Déom de Louftémont. Garçon livreur puis chauffeur, Hubert-Joseph unit en 1901 son destin à celui de Victorine Breton, une angevine de Doué-la-Fontaine.
Deux autres familles s'installent à la même époque dans le bassin industriel de Longwy :

  1. Vers 1880 arrivent de Cousteumont Jacques-Joseph, Marie-Élisa Anselme et leurs six enfants. Le ménage s'installe à Chénières après avoir vécu à Pierrepont durant une dizaine d'années. Les trois filles se marient dans la région. Quant aux garçons, Jules reste célibataire, Émile retourne vivre en Belgique à Arlon et Alfred reviendra s'établir à Mont-St-Martin après un court séjour à Chercq près de Tournai où il avait épousé Angélique Watian.
  2. En 1892, c'est Nicolas-Joseph qui s'installe à Rehon venant de Habaru (Assenois) avec Amélie Lambert qu'il a épousée en 1889 à Ochamps.


Il est souvent difficile, quelquefois impossible de retrouver la piste d'une personne qui a décidé de changer d'air. La famille elle-même ne sait parfois pas ce qu'est devenu l'un des siens [134] ... Un départ ne laisse en effet aucune trace dans les registres de la commune. En Belgique cependant, et depuis une centaine d'années, on peut avoir la chance de pouvoir consulter les registres de population susceptibles de donner la destination prise par un habitant de la commune. Mais ce n'est pas toujours le cas. Les registres de population de 1888 de Hollange mentionnent bien la présence dans la commune de Jean-Joseph Déom, de Marie-Eugénie Henrard et de leurs enfants. En 1890, par contre, on ne retrouve plus aucune trace de cette famille et le registre ne donne, hélas, aucune explication. Sollicitée, la descendance laissée par le frère de Jean-Joseph ne se souvient pas aujourd'hui de ce grand-oncle ! Que la mémoire des hommes est fragile !
La fastidieuse lecture des actes notariés permet finalement de localiser notre cousin à Ourscamps dans l'Oise. Par procuration passée le 11 octobre 1889 par-devant Maître Louis Charles Eugène Lenoir, notaire à Carlepont (Oise), Jean-Joseph Déom, "chauffeur demeurant à la fabrique d'Ourscamps, commune de Chiry (Oise), vend une maison d'habitation couverte de chaume, sise à Sainlez , avec terre labourable et jardin y attenant pour la somme de mille six cents francs" [135] . Quelle déception finalement de ne pas trouver la moindre trace de cette famille dans les registres d'état civil de la commune d'Ourscamps qui n'aura donc été qu'une étape dans le parcours de cette famille ! Comment retrouver l'arrivée de l'étape suivante ? Est-ce le village voisin ou une localité de l'Arizona ? Existe-t-il seulement un indice à Ourscamps indiquant une piste ? Ah s'il était possible de retrouver un petit-fils ou un arrière-petit-fils, s'il existe, de Jean-Joseph Déom et de Marie-Eugénie Henrard !

Nous ignorons aussi le destin d'André Déom, né à Termes et qui était à la même époque ouvrier à Villers-St-Paul à une quarantaine de kilomètres au sud d'Ourscamps.


D'autres raisons peuvent encore motiver les migrations. La guerre de 1870, par exemple, va modifier le destin de milliers de Lorrains.

Le conflit qui oppose la France à la Prusse en 1870 tourne rapidement à l'avantage de celle-ci. La France abandonne l'Alsace ainsi qu'une partie de la Lorraine à son vainqueur. C'est le département de la Moselle, remodelé pour la circonstance, qui est sacrifié.
La Moselle et la Meurthe sont deux des départements français de 1870. En 1871, sont créés les départements de la Moselle et la Meurthe-et-Moselle. L'arrondissement de Briey qui était en Moselle passe en Meurthe-et-Moselle et les arrondissements de Sarrebourg et Château-Salins, anciennement département de la Meurthe se retrouvent dans le nouveau département de la Moselle. En fait, il faudrait encore préciser quelques autres petites modifications.
C'est ainsi en tout cas que Nancy reste en France alors que Metz devient allemande. Les habitants de la Moselle et de toute l'Alsace sont donc devenus des citoyens allemands par le Traité de Francfort, signé le 10 mai 1871. Cette annexion ne prendra fin que par le traité de Versailles paraphé le 28 juin 1919. Entre-temps, beaucoup de Mosellans ont quitté leur terre natale pour rejoindre leur patrie. C'est ainsi que les cinq enfants de Philippe Déom et de la défunte Salomé Klein regagnent la Champagne :

  • Philippe, Auguste et Joseph sont cochers, les deux premiers à Châlons, le troisième à Épernay... pour éviter la concurrence ? Les trois garçons épousent des filles originaires de l'Est : deux d'entre elles sont nées à Achen, petite localité de Moselle, alors que la troisième vient de Bertrange au Grand-Duché de Luxembourg.
  • Caroline vit aussi à Châlons où elle épouse un caviste né à... Achen.
  • Quant à Georges, il ne reste que quelques mois dans la région. Lui, c'est le vrai "paysan" et le travail dans les vignes ne lui plaît guère ! Alors il décide de revenir en Lorraine où il retrouve la charrue et les chevaux...


Le 19ème siècle en Belgique

Et pendant tout ce temps que s'est-il donc passé en Belgique ?

Eh bien, la famille "Deum" s'y porte à merveille ! Dieu merci. Notre nom est maintenant connu dans toute la province de Luxembourg ! Près de mille petits "Deum" viennent au monde en ce 19ème siècle. La paroisse de Léglise est toujours le bastion de notre famille avec 15% des ces naissances. Gennevaux [136] qui était le leader incontesté du village le plus "Deum" de la région cède sa place à Nivelet. Assenois, Marbay et surtout Cousteumont font une belle percée alors que l'on voit enfin du Déom à Neufchâteau. Mais cela ne durera qu'un siècle ! La présence de notre famille s'affermit à Rulles et Marbehan, à Bellefontaine, Tintigny, Ste-Marie, Buzenol et Vance, à Louftémont et Behême, à Les-Bulles, Termes et Rossignol, à Suxy, à Morival et à Vesqueville. Enfin, notre famille fait son apparition à Séviscourt, Torgny, Orgeo, Biourge, Fauvillers, Harzy, Post, Arlon et en fin de siècle, à Juseret, Bercheux, Halma, Hollange, Waha et Lamouline (St-Pierre).

Dans le Liégeois, les Deum de Ferrières sont à Heyd avant de remonter vers Werbomont, Chevron et Liège. Un membre de cette famille va se fixer dans le pays de Charleroi, à Pont-de-Loup puis à Farciennes.

Nous nous installons également à Vièrves, à Vonêche et à Liège en provenance d'Ampsin. Namur est investi à la fin du siècle et deviendra, quelques années plus tard, une place forte de la famille.

La capitale belge est plutôt boudée par nos ancêtres : quatorze naissances seulement ont été recensées à Bruxelles et dans sa banlieue ! Il faut encore noter qu'à notre connaissance aucun membre de la famille ne s'est encore établi dans les provinces flamandes. Bien sûr Adhémar Déom est né à Ostende, Sophie à Meeuwen, Jean-Martin à Attenhoven et Henri-Joseph à Runkulen mais le premier est un fils de militaire, la suivante est la fille d'un douanier et les deux autres sont les enfants d'un colporteur...
Le douanier dont il est question ici, est né à St-Pierre près de Libramont. Il épouse Charlotte Ardache originaire de Binche. Veuve en 1832, Charlotte se retire dans son pays natal avec ses sept enfants. Voilà comment sont nés les Déom tailleurs à Binche.

 

 

Le 19ème siècle et les migrations vers le "Nouveau Monde"

Mais en ce siècle notre famille va également s'implanter dans le "Nouveau Monde". Commencée depuis déjà de nombreuses années, l'immigration vers l'Amérique du Nord prend son véritable essor vers le milieu du 19ème siècle. Depuis l'apparition de la machine à vapeur, au début du siècle, la navigation maritime connaît un développement marquant. Les premiers paquebots à vapeur commencent dès 1840 à se substituer progressivement aux navires à voiles et à desservir régulièrement des lignes à jour fixe. À partir de 1877, on construit des bateaux en acier dont le confort est de plus en plus soigné. Les traversées se font toujours plus rapidement et on oubliera vite les problèmes causés naguère sur les routes maritimes par les courants et les vents. Le "Nouveau Monde" avec ses terres riches et vierges attire beaucoup nos populations les plus pauvres. D'autant plus que le gouvernement américain envoie en Europe des émissaires chargés de faire la promotion de leur pays. Ces agents recrutent journaliers, cultivateurs et artisans qui n'hésitent pas à vendre leurs rares biens pour se lancer dans la grande aventure. La découverte au Texas en 1848 de gisements d'or donne encore plus de volume au rêve que nourrissent ces hommes et ces femmes décidés à tenter leur chance renonçant ainsi pour toujours à cette terre dont ils sont issus. En un siècle, de 1815 à 1914, ce sont 35 millions d'Européens qui s'expatrient ainsi en Amérique du Nord. La population des États-Unis passe alors de 5 millions à environ 95 millions d'habitants et celle du Canada de 2,5 millions en 1851 à 7,5 millions en 1914. Au Canada, c'est bien évidemment la province du Québec qui a la faveur des immigrants francophones. Mais il fallait tout de même être courageux pour tout quitter et s'aventurer aussi loin avec tous les risques que comportait un tel voyage ! Surtout que ces pionniers emmenaient parfois femme et enfants. Combien n'arrivèrent jamais ?

C'est dans ce contexte que Jean-Baptiste Déom, dont la famille est installée en Ardenne depuis plus de trois siècles assurément, prépare son départ. Né à Rulles en 1806, Jean-Baptiste y est journalier.
Le 28 octobre 1853, la vente de ses biens lui rapporte 4925 francs [137] : le voilà paré pour tenter le grand voyage. Il embarque à Anvers sur le "William Jarvis" avec sa femme et ses sept enfants, débarque à New-York le 23 janvier 1854, et se retrouve avec de nombreux compatriotes dans le sud de l'Indiana où ils fondent Leopold [138] en hommage à leur roi Léopold 1er, premier souverain de Belgique [139] . Deux des trois garçons de Jean-Baptiste se marient avec des jeunes filles dont les noms, Marie-Apolline Lamkin et Marie Goffinet, ne laissent guère planer de doute quant à leurs origines raciales...
Cette famille s'est largement développée aux États-Unis et notre nom, légitimement amputé de son accent [140] , n'est sans doute pas prêt d'en disparaître.

Jean-Baptiste de Rulles avait un frère cadet prénommé Jacques-Joseph. Ce dernier émigre à Paris en 1855. Nos cousins de l'Indiana viennent enfin de comprendre pour quelle raison une photographie de famille portant la griffe d'un studio parisien était accrochée au mur de la vieille maison familiale du Perry County... On peut être surpris qu'un tel fait n'ait pas été transmis de père en fils. Il faut savoir que ces émigrés se sont très vite intégrés dans leur nouveau milieu. Le petit-fils de Jean-Baptiste, Paul né en 1869, ne comprenait déjà plus le langage de ses grands-parents ! Quelques années plus tard, nos cousins de Leopold sont rejoints, d'abord en 1883 par Maximin Déom [141] venu de Suxy où il est né en 1859, puis par Jean-Nicolas Déom né en 1854 à Wittimont et qui arrive à Leopold en 1885. Maximin et Jean-Nicolas n'ont qu'un lointain lien de parenté avec les Déom arrivés de Rulles en 1854. Probablement que les uns ignoraient totalement l'existence des autres. Mais tous s'obstinent en continuant de travailler la terre.
Aujourd'hui des descendants de ces trois familles peuplent non seulement l'Indiana mais aussi l'Illinois, l'Ohio, le New Jersey, la Pennsylvanie, la Géorgie, l'Alaska, la Floride, la Californie et le Kentucky.

Mais les choses ne se passent pas toujours aussi bien. Pierre Thiry, le mari d'Anne-Marie Déom [142] , part vers l'Amérique en éclaireur laissant sa femme seule avec les enfants. Anne-Marie n'aura sans doute jamais plus des nouvelles de son mari. En 1878 [143] , elle vend une parcelle de terre sartable défrichée sise sur le territoire de Les-Fossés et le notaire écrit :
"à la requête de Madame Marie Déom, ménagère demeurant aux Fossés, commune d'Assenois, épouse de Pierre Thiry parti pour l'Amérique il y a un grand nombre d'années, actuellement sans domicile connu, mais autorisée en justice aux fins qui suivent."

Si plusieurs de nos cousins se sont installés aux U.S.A., pourquoi d'autres n'auraient-ils pas choisi de partir à la conquête du Canada ? Du Québec surtout où le handicap du langage est surmonté avant même d'avoir quitté le pays natal ? Oui mais voilà, comment contacter ces hypothétiques cousins de la "Belle Province" quand on n'a pas le moindre correspondant à se mettre sous la dent ? Les Archives Nationales du Québec à Montréal sollicitées, nous expédièrent en 1993 une page de l'annuaire téléphonique de Montréal où figuraient 43 abonnés portant le célèbre nom de "Déom" ! Un ambassadeur de charme délégué sur place, - mais dont nous tairons le nom [144] afin de ménager sa trop grande modestie -, fit la conquête définitive de ces charmants et fort sympathiques Canadiens... pardon, Québécois. Quelle rencontre mémorable !

Nos cousins de la Nouvelle-France connaissaient très bien leurs origines. François-Xavier Déom, leur aïeul né à Virton le 8 février 1833, a eu la sagesse de leur laisser des écrits où il présente non seulement les membres de sa famille, mais où il raconte aussi, et avec beaucoup de talent, le voyage qui l'amène à Montréal en 50 jours ! Le récit de François-Xavier dont la lecture apporte de nombreuses émotions, est intégralement reproduit en annexe [145] . Merci à nos cousins de nous avoir transmis ce document exceptionnel.
François-Xavier (Xavier) commence par exercer la profession de menuisier pendant que son frère François-Victor [146] (Victor) est ouvrier confiseur à Mézières en France [147] . Xavier qui s'est marié en 1860 avec Anne Lorge, une Bruxelloise, est rejoint par son frère Victor dès l'année suivante. Ce dernier est pâtissier lorsqu'il épouse Mathilde Defayette [148] en Notre Dame de Montréal, le 20 mai 1862. Victor est confiseur en 1865 et Xavier le devient en 1869. Les deux frères sont maintenant très bien intégrés dans leur nouvelle patrie !

Mais tout de même : 43 abonnés du téléphone, quelques générations seulement après leur arrivée, cela semble vraiment beaucoup !

 

 

 



[99] par la gauche...
[100] A. E. Arlon : "Justices Subalternes" de Neufchâteau n°1989 du 16.2.1780. Il est question ici des douleurs de l'enfantement.
[101] A. E. Arlon : registres paroissiaux de Léglise.
[102] A. E. Arlon : "Œuvres de loi" de Mellier n° 1564 page 9 du 31.10.1729.
[103] Un laboureur était un cultivateur propriétaire des terres qu'il cultivait par ses propres moyens. Le laboureur peut employer un journalier ou un manouvrier. Ce dernier est surtout chargé des corvées. Après la Révolution, on ne parle plus de laboureur mais de cultivateur.
[104] A. E. Arlon : "Œuvres de loi" de Mellier n° 1571 page 4 du 9.10.1776 et page 181 du 22.2.1780.
[105] A. E. Arlon : "Archives de la famille Laroche de Vesqueville" n°70 du 17.1.1733.
[106] La pierre tombale de Salomon d'Aubange est conservée dans l'église de Léglise.
[107] A. E. Arlon : "Œuvres de loi" de Mellier n° 1562 pages 187 et 188 du 6.10.1727.
[108] A. E. Huy : Notariat de Antoine Joseph Tingry, notaire à Huy, acte n°29 du 26.3.1826. Ampsin est une localité située à mi-chemin entre Namur et Liège.
[109] Du latin "ferreria", lieu où on travaille le fer. L'industrie du fer, dont le minerai est très abondant dans la région, s'y développe depuis le début de notre ère. Elle se prolongea jusqu'en 1840 et l'extraction jusqu'en 1871.
[110] A. E. Arlon : "Justices Subalternes" de Neufchâteau n°1988.
[111] Nicolas Deum et Jeanne Gratia vendent leur maison de Gennevaux à Jean Deum de Narcimont. A. E. Arlon : "Œuvres de loi" de Mellier n°1568, page 106 du 10.11.1762.
[112] Sans accent, cette fois-ci...
[113] Commune belge située entre Charleroi et Mons.
[114] Village de Rhénanie - Palatinat, près de Bitburg. Voir carte page 287.
[115] ...... "aber mein Name wird mit einem Axontegüy geschrieben"... (mais mon nom s'écrit avec un accent aigu), voir "Archives personnelles", lettre n° 799 du 8.3.1995.
[116] Le dictionnaire des noms de famille en Belgique de Jules Herbillon et de Jean Germain qui vient d'être édité par le "Crédit Communal" donne : Déom, Deom, Déome, Deum mais aussi Déum !
[117] De Charles Schaack.
[118] A. E. Arlon : page 125 du 6.10.1773 et page 3 du 9.10.1776.
[119] C'est à dire le 21 février 1805. A.D. de la Moselle (Metz) : "301U4", acte n°145.
[120] Lettre du 23 floréal an XI. A.E. Arlon : "Département des Forêts", n° 474. Ce département était français de 1795 à 1814 (voir page 285).
[121] Soit le 22 octobre 1805.
[122] A.D. de la Moselle (Metz) : "301U3".
[123] A. E. Arlon : "Œuvres de loi de Mellier" n° 1570 page 142 du 8.4.1773. En Ardenne, on parle aujourd'hui encore "d'un quart". Cela sous-entend "de jour". Dans la région un jour valait environ 35 ares. Un quart de terre vaut donc dans les 8,5 ares.
[124] Entre 1815 et 1830, les Pays-Bas unis aux futures provinces belges, forment le royaume des Pays-Bas. La révolution de 1830 allait donner naissance à la Belgique.
[125] A. E. Arlon : "Hypothèques-Neufchâteau" n°190, acte 143 du 6.8.1834.
[126] Manouvrier : manœuvre, domestique non logé, travailleur agricole dont les mains représentent l'unique fortune ; chirurgien : barbier qui pratiquait la saignée ; tabellion : ancien nom du notaire. (cf. : "Dictionnaire des Vieux métiers" de Paul Reymond.).
[127] Ainsi le 1er août 1735 (A. E. Arlon : "Œuvres de loi" de Mellier" n° 1560), Englebert Déome, le jeune de Nivelet, déclare "de tenir à cheptel vingt sept bestes à laine tant brebis qu'agneaux au prix de six escus, trois vaches, une génisse allant à trois ans et deux allant à deux ans, un bouvet de l'année pour vingt et un escus....". Englebert avait la garde des bêtes ; il devait payer une certaine somme au propriétaire mais profitait du lait. D'autre part, la moitié des agneaux et des veaux lui revenait et les pertes éventuelles étaient partagées.
[128] Sont rentrés au pays après avoir vécu en France : 1) Léopold de Séviscourt, son épouse Anne-Marie Pigeon et leurs enfants : Auguste, Marie-Justine (1), Henri-Joseph, Élysée et Marie-Justine (2) s'installent à Marbehan alors que Marie-Céline et son époux Édouard Reumont vont vivre à Vance. 2) Marie-Barbe et son frère Pierre-Joseph de Fauvillers. 3) Léopold de Bras. 4) Marie-Catherine épouse Watrinquant, Marguerite épouse Mostade, Pierre-Joseph, Jean-Henri et Félix enfants de Jean-François Déom et de Marie-Joseph Huberty de Louftémont. 5) Nicolas, Aldegonde Conrard et leurs enfants de Sainlez. 6) Joséphine et son mari Eugène Vignez à Neufchâteau. D'autres comme Louis-Joseph et sa cousine Marie-Julie de Séviscourt disparaissent de notre horizon. Louis-Joseph était journalier à Romainville en 1868 et Marie-Julie avait épousé, à Paris 16ème, Jean Liautard un fruitier du département de l'Aveyron. On ne sait pas non plus ce qu'est devenu Augustin, né en 1865 à Nivelet, qui accompagnait ses parents à Draveil.
[129] Fabriquant, marchand de cordes.
[130] Née à Cousteumont le 3.5.1798, Marie-Marguerite meurt à Vrigne-aux-Bois le 30.12.1867.
[131] Concernant Marie-Magdeleine, Marie, Anne-Marie et Marie-Catherine, voir respectivement : A. E. Arlon : "Hypothèques-Arlon" n° 1168 acte n°17 du 5.8.1858, n° 991 acte n°14 du 23.7.1891, n° 1137, acte n°18 du 21.5.1856 et n°191 acte n° 17 en 1854.
[132] A.E. Arlon : "Déclarations de successions", Neufchâteau n°37 - année 1 843 -
[133] Concernant respectivement Marie-Léonie, Joséphine Adèle et Marie-Thérèse, voir A. E. Arlon : "Hypothèques-Neufchâteau" n°1579 acte 15 en 1878, n°610 acte 17 du 9.9.1863 et n°1341 acte 6 du 19.10.1872.
[134] Hyacinthe Déom "sans domicile connu". Voir A. E. Arlon : "Hypothèques-Arlon" n°296, acte 71 du 11.2.1858. (Il s'agit du fils de Henri-Joseph et de Marie-Jeanne Adnet, né à Tintigny le 28.4.1811).
[135] A. E. Arlon : "Hypothèques-Arlon" n° 1805 acte n°26 du 12.2.1890.
[136] Marie-Joseph est la dernière "Deum" née à Gennevaux. C'était le 26.9.1812.
[137] A. E. Arlon : "Hypothèques-Arlon" n° 1099 acte n°111 du 28.10.1853 (Me Pierre Boniface Gérard de Rulles). Biens vendus par adjudication publique. Terres labourables : environ 1 hectare pour 725 francs, prés : environ 1 hectare pour 631 francs, pâture-sart : 82,5 ares pour 488 francs, clos : 31 ares pour 1 000 francs, jardin : 4 ares pour 81 francs, maison avec jardin (15,7 ares) sise à Rulles pour 2 000 francs.
[138] Leopold compte aujourd'hui environ 150 habitants.
[139] Léopold 1er, prince de Saxe - Cobourg (Bavière), est né à Cobourg en 1790. Roi de Belgique de 1831 à 1865.
[140] S'ils mettent bien le point sur les "i", les Américains par contre ignorent totalement l'existence des accents. Aux U.S.A. notre nom se prononce "Diem".
[141] A. E. Arlon : "Hypothèques-Arlon" n° 1199 acte 1 du 4.5.1898 : Maximin Déom, cultivateur à Léopold (Perry County, Indiana, Amérique du Nord) donne procuration à son frère Jean, menuisier à Suxy, pour vendre des biens situés à Suxy. La vente de 133 ares de prés et de terres rapporte 945 francs.
[142] Née le 25.4.1820.
[143] A. E. Arlon : "Hypothèques-Neufchâteau" n°1590, acte n°27 du 27.7.1878.
[144] Nous vous dirons seulement qu'il est prénommé René et que tout Libramont le connaît ! ...
[145] Voir pages 245 à 269.
[146] Xavier et Victor étaient nés à six ans d'intervalle, jour pour jour.
[147] A. E. Arlon : "Hypothèques-Arlon" n° 1188 acte 52 du 12.5.1860. Cet acte ne fut découvert qu'en 1996.
[148] Parfois Lafayette, Despayette ou encore Fayet...