Au départ c'était un petit bulletin de liaison pour
les écoles ardennaises, dont le but était de les inciter
à créer des clubs de protection de la nature", se souvient Pierre
Déom, le fondateur de La Hulotte aujourd'hui âgé de
56 ans. "On avait envoyé 1 000 exemplaires
du premier numéro aux écoles, en 1972, mais en fait
très peu de gens ont créé des clubs, il n'y en a eu
qu'une vingtaine", raconte-t-il depuis son
atelier à Boult-aux-Bois, un minuscule village des
Ardennes.
En revanche, le journal, qui propose alors de construire
un nichoir à oiseaux, rencontre immédiatement un succès
fou et les demandes d'abonnement affluent.
Trente ans plus tard, sans aucune publicité mais grâce
au bouche à oreille de ses passionnés, La Hulotte,
du nom de la jolie chouette qui nichait près de la
maison de l'instituteur, est devenu (sic) une référence
de vulgarisation scientifique dans des écoles, bibliothèques
et universités du monde entier, au rythme paisible
de deux livraisons en français d'une quarantaine de
pages par an.
"C'est très sérieux mais formulé d'une façon
accessible à tout le monde", estime Jean-François
Voisin, 64 ans, maître de conférences au Museum d'histoire
naturelle à Paris et fidèle lecteur depuis 1974.
"Il est très bon au niveau de la rigueur scientifique
et les enfants adorent, je n'en connais pas d'équivalent",
dit-il.
Nature
proche
"Je reste rivé à l'idée de rendre ça compréhensible
dès l'âge de dix ans", confirme Pierre Déom,
qui passe de longues heures à observer et photographier
les animaux en pleine nature avant d'éplucher les
revues scientifiques pour les retranscrire sous formes
de contes, de bandes dessinées ou de devinettes dans
son magazine.
Pourquoi les araignées tombent-elles dans les baignoires
en automne ? Combien d'heures le hérisson dort-il
par jour ? Comment distinguer un martinet pâle d'un
martinet noir ? Pierre Déom consacre environ 1 000
heures de travail à chaque numéro, avec toujours un
seul souci: parler de la nature proche.
"Mon but n'est pas de donner des histoires
d'animaux à consommer sur un fauteuil mais de pousser
les lecteurs à sortir voir ceux dont on parle",
dit-il. "Alors je parle à fois d'animaux qu'on
connaît bien, comme le hérisson, mais dont on ne sait
pas comment ils vivent, et d'animaux qu'on ne soupçonnait
pas près de chez nous, comme le sphynx-colibri".
Le journal a d'ailleurs mis en place un accueil téléphonique
pour répondre aux questions de ses abonnés et leur
prodiguer des conseils s'ils ont recueilli un animal
sauvage.
Si l'aventure est aujourd'hui devenue une véritable
entreprise, avec sept salariés et un chiffre d'affaires
annuel de 1,6 million d'euros, Pierre Déom continue
de rédiger tout seul et d'illustrer à l'encre de Chine
l'intégralité du magazine, désormais traduit en espagnol.
Après avoir étudié les toiles d'araignées sauvages,
les ennemis de l'hirondelle, les plantes des vieux
murs et le marathon des sarcelles, il prépare ainsi
un 87e numéro sur la vie de famille des castors, attendu
cet automne dans tous les terriers.
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